Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/107

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inaugurait des statues dans toutes les villes de France, suivait le président de la république dans les départements inondés, assistait aux mariages aristocratiques, entendait des conférences sur le phylloxéra, voyait tout et était le moins curieux des hommes. Il n’y avait qu’un lieu dans le monde qui l’intéressât, c’était Chatou, où il avait une maisonnette et une barque. Il ne se souciait que de sa barque et de sa maisonnette, et il devait s’occuper du monde entier. Une usine ne pouvait brûler sans lui. Longuemare en vint naturellement à parler de M. Haviland, de ses habitudes singulières, de sa mort, et, en thèse générale, de l’empoisonnement par la belladone. Pendant ce temps, Bouteiller décrivait sa barque ; ils s’entendaient à merveille.

Vers dix heures, Bouteiller dit :

— Mon bon, je cours au journal ; attends-moi une seconde au café de Suède. J’y ai un rendez-vous.

À onze heures, ils fumaient tous deux devant une table de zinc, dans le bruit et la lumière du boulevard.

Bouteiller disait :

— Vois-tu, mon bon, un aviron un peu court