Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/111

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ville à la tombée du jour, par un affreux temps. Un grain passait, comme disent les marins. Il pleuvait, un vent furieux fouettait les lanternes et gémissait dans les allées. Il se dirigea vers la vieille ville et prit une rue étroite, tortueuse, montante, pleine d’une odeur de marée. Son pied gauche faisait, pour suivre l’autre, le mouvement d’une faux dans les blés, et tout son corps se balançait à chaque pas. Il avançait très vite dans l’ombre, faisait jaillir sous ses pieds l’eau des flaques, grognait et jurait. Il entra sans hésiter dans une misérable boutique d’épicier ornée de deux bocaux de sucreries derrière les petites vitres verdâtres de la devanture, et meublée d’un lit à courtines de cotonnade rouge enfoncé sous l’escalier de bois. La terre battue qui formait le sol était détrempée par endroits et portait des empreintes de semelles ferrées. Il ne vit personne, et, sans s’attarder à attendre l’épicier, il traversa la boutique, qui était la seule entrée de toute la maison.

Il monta l’escalier et frappa à la porte du second étage, à l’endroit où la rampe s’arrêtait. Un petit vieillard, éclairé sous le menton par sa chandelle, examina le visiteur à travers la porte entre-bâillée