Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/116

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Il se leva et alla prendre sur un méchant secrétaire de noyer un pot à eau égueulé dans lequel trempait une botte de myosotis.

— Voyez, dit-il en posant le pot sur la table, j’en aurai pour toute la saison. Chaque fois que je passe par Carteret, là-bas, sur la côte, je cueille des myosotis dans le fossé qui borde la propriété de M. de Laigle. J’en tire une botte que j’entortille dans mon mouchoir…

Il passait doucement la main sur les fleurettes bleues pour faire tomber les corolles fanées.

— Pourvu, ajouta-t-il, qu’on ait le soin de tirer les racines avec les tiges, on est certain de voir cette plante-là vivre dans l’eau comme en pleine terre. Eh ! mon Dieu ! je n’ai ni femme ni enfant, ni chien ni chat ; il faut bien s’attacher à quelque chose : j’aime les fleurs.

Groult ne l’écoutait pas ; il se mordait les lèvres et se rongeait les ongles. Puis il fit un soubresaut et s’écria :

— Vous avez l’acte de décès de Samuel Ewart. Donnez-le-moi, il me le faut, je le veux !

Reuline jeta un coup d’œil furtif sur le secrétaire de noyer. Et, enlevant délicatement le pot de