Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/141

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pieds, venait à leur rencontre devant eux. En ôtant son chapeau de paille, il montra un visage maigre, percé de deux grands yeux ternes. Il tendit la main en murmurant une espèce de prière. Hélène se pressa contre René et l’entraîna.

— Vous l’avez vu, dit-elle ; il ressemble à… J’ai peur.

René lui-même éprouvait une impression de malaise. Ce mendiant rappelait en effet M. Haviland et, ce qu’il y avait de plus pénible, c’est qu’il le rappelait sous un aspect si morne et si défait, et avec une telle expression d’irrémédiable souffrance qu’il suggérait la vision affreuse de M. Haviland, non comme il était autrefois, mais tel qu’il devait être maintenant. Ils gravissaient tous trois le sentier bordé de haies et de murs. Les cailloux roulaient sous leurs pieds. Hélène s’arrêta court : elle fixait des yeux un objet dans l’ombre. René ne voyait devant elle que des touffes d’orties autour d’une borne. Mais, certes, la veuve voyait autre chose. Elle poussa un grand cri et tomba à la renverse. M. Fellaire voulait qu’on la fît asseoir.

— Laissez-la étendue, dit René, penché sur elle.