Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/168

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tionale qu’il ne manquerait pas de se faire.

Le lendemain Longuemare fit des courses à travers Paris pour acheter le peu d’habits, d’instruments et de livres qu’il lui fallait. Vers cinq heures du soir, comme il descendait l’avenue des Champs-Élysées, il s’arrêta devant un théâtre de Guignol. Un triple rang de curieux pesait sur la corde passée au tronc des arbres pour fermer l’enceinte réservée aux spectateurs assis et payants.

En arrière les petits enfants contemplaient avec découragement, entre les jambes d’un militaire, la jupe de leur bonne.

Il reconnut dans la foule des spectateurs, mais un peu à l’écart, un vieillard voûté, lourd, bouffi de mauvaise graisse et dont le visage blafard gardait une inertie désolée. Il portait une redingote jaunâtre au collet et aux épaules, et qui, remontant par-derrière, laissait pendre sur le devant la pointe de ses deux pans. Ce vieillard regardait Guignol ou plutôt fixait dans sa direction, entre ciel et terre, un regard tout particulier.

Longuemare, en reconnaissant M. Fellaire de Sisac, se sentit remué, et tout ses souvenirs remontèrent ensemble à la surface de son âme.