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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/216

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coupes qui s’élevaient sur la table en deux piles semblables à deux tours de porcelaine dans une ville chinoise.

Virginie se préparait à abaisser les lames de tôle de la devanture, quand la porte s’ouvrit pour laisser entrer un long personnage blême, vêtu d’une très courte jaquette d’été dont il avait relevé le collet. Il projetait en avant de lui des pieds énormes, plats et lamentablement chaussés.

— C’est Branchut ! s’écria le comité. Comment vous portez-vous, Branchut ?

Mais Branchut restait sombre.

— Labanne, dit-il, vous avez emporté, par mégarde, j’aime à le croire, la clef de votre atelier, et, faute de vous rencontrer en ce lieu, j’eusse indubitablement passé la nuit dehors.

Branchut parlait avec une élégance cicéronienne. Tandis que, possédé d’un tic nerveux, il roulait des yeux terribles et remuait le nez de la racine aux ailes, il faisait couler de sa bouche des sons doux et purs.

Labanne donna sa clef et s’excusa. Mais Branchut ne voulut boire ni bière, ni café, ni cognac, ni chartreuse. Il ne voulut rien boire.