Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/228

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rue avec une candide audace et on appuyait contre la vitre un petit nez dont le bout blanchissait en s’aplatissant ; puis on disparaissait ainsi qu’on avait paru, sans raison bien appréciable, comme un oiseau s’envole. La mère et la fille avaient toutes deux des yeux d’enfant, ouverts et limpides, des yeux sans rêve et qui semblaient dire : « Rien n’a troublé, rien ne troublera notre paix affectueuse. » La mère, veuve sans doute depuis longtemps, montrait la plus parfaite quiétude. Sa bonté de femme grasse se devinait à ses gestes doux sans caresse et à sa vigilance sans trouble. Mademoiselle était brusque. Mademoiselle ne s’avisa-t-elle pas un jour d’ouvrir la fenêtre, de se pencher sur le balcon et de faire des signes à deux de ses compagnes de catéchisme ou de cours, qui passaient dans la rue ? Elle ne parut pas confuse du tout quand sa mère la fit rentrer dans la chambre et envoya, comme le comprit Remi, la bonne à la recherche des deux demoiselles, qui montèrent et se dirent des choses sans doute fort gaies, car elles riaient toutes trois à grands éclats. Et leur rire venait, à travers la large voie, aux oreilles de Remi, comme un bruissement à peine perceptible de perles remuées.