Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/239

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études d’art. L’article de Mercier existait du moins, mais l’auteur, serré dans son écriture, dans son style et dans ses idées comme dans ses habits, aurait fort bien pu faire tenir ces articles-là sur les deux verres de ses lunettes. Quant à la Maîtresse dont on meurt, elle en était déjà à sa troisième épreuve.

C’est à ce moment que Sainte-Lucie, secrétaire de la rédaction, proposa au poète Dion de le présenter à M. Godet-Laterrasse, qui ne manquerait pas de fournir un article. Ce fut une grande nuit que celle où M. Godet-Laterrasse, descendu d’une impériale d’omnibus, entra dans l’établissement de Virginie. Il tourna le bec de canne avec la main d’un homme qui se sait appelé ; et, tandis qu’un murmure flatteur accueillait son entrée, il traversa la boutique dans une majesté africaine tempérée de morbidesse créole. En s’entendant appeler « cher maître » par le poète Dion, il découvrit toutes ses dents par un sourire d’idole. Mais tout à coup son visage reprit une expression d’amertume hautaine. Il avait vu Labanne promener un regard indifférent à travers la fumée d’une pipe profonde. Il savait que Labanne avait résolu un