Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/258

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pla avec son regard étonné de petit enfant, puis il mit sur sa tête crépue le chapeau, dont les glands se balancèrent, il s’enveloppa du châle rouge de sa femme Olivette et se contempla dans son petit miroir à barbe.

Il revécut alors sa vie passée, et remonta jusqu’au temps où il était général. Il revit les éblouissements du sacre de Sa Majesté Faustin Ier, les manteaux bleus des ducs, des princes et des comtes, les habits rouges des barons ; la face noire de l’empereur, ceinte d’une couronne d’or ; Olivette amenée en robe à queue dans une brouette et se rangeant parmi les dames au milieu de la nef de l’église. Tout lui était présent, les mille couleurs des habits, les coups de canon, la musique militaire et les cris de « Vive l’Empereur ! » Puis il revit les fêtes somptueuses du palais impérial, quand, sous les feux des bougies et des pendeloques de cristal, les magnifiques poitrines noires des dames de la cour faisaient craquer les corsages de mousseline blanche dans l’élan furieux des danses. Il revit les soldats alignés sous ses yeux dans la plaine aride et lumineuse. Tous, rangés en bataille, lui présentaient les armes. Et lui, Télémaque, les