Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/274

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de Labanne un rude travailleur, un gaillard musclé et râblé qui, la chemise ouverte sur sa poitrine velue et les manches retroussées, peignait tout le jour sans rien dire. Sa tête de paysan, terreuse et ravinée, plantée d’une barbe rude, n’exprimait aucun sentiment ; ses yeux ronds regardaient toujours et ne faisaient jamais rien voir. C’était Potrel, Potrel dont Virginie dénonçait l’ingratitude. Revenu de Fontainebleau où il avait passé deux ans à peindre, il peignait chez Labanne en attendant que l’atelier qu’il avait loué à Montmartre fût vacant.

Potrel parlait peu et mal. Penché sur sa toile, sa palette à la main et clignant de l’œil, il répondait aux théories de Labanne ce seul mot : « Possible », qu’il articulait en ranimant, par une aspiration, le fourneau culotté de son brûle-gueule.

Labanne lui dit un jour :

— L’absolu étant irréalisable, l’artiste ne peut atteindre à la beauté absolue.

— Possible, répondit Potrel.

Et il continua de peindre.

Il faisait venir un modèle, un admirable petit italien, pleurnicheur et narquois, qui lui volait