Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/285

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— L’amour, dit-il, n’est absolu qu’entre deux êtres qui ne se sont jamais vus. Deux âmes ne sont en parfaite harmonie que dans l’absence éternelle. La solitude est la condition nécessaire de la passion définitive.

M. Godet-Laterrasse résista aux séductions d’un duel oratoire dans ces régions sublimes. Il demanda au moraliste s’il n’avait pas vu Sainte-Lucie.

La disparition du créole, que Branchut ignorait totalement, fit jaillir de la tête du philosophe une infaillible intuition. En un clin d’œil bien des choses lui furent révélées. Selon lui, cette disparition n’était pas sans une étroite connexité avec la mort de la princesse Vranga. La conduite ténébreuse de M. Sainte-Lucie, dans les circonstances qui précédèrent et accompagnèrent la fin lamentable et poétique de la princesse, était de nature, aux yeux du moraliste, à laisser un remords éternel dans l’âme de ce jeune homme, léger en apparence, mais machiavélique en réalité.

— La princesse Vranga devait mourir, ajouta le philosophe avec sérénité. Il était nécessaire qu’elle mourût pour que l’amour qu’elle avait conçu pour moi se réalisât dans l’absolu. Mais,