Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/29

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était persuasif au dessert. D’ailleurs, il aimait à déboucher des bouteilles ; il appelait cela : vivre. Dans les époques les moins prospères de sa vie, il sablait le vin blanc du marchand de vin, avec des marrons rôtis, sur la toile cirée, dans un cabinet de société. C’est là qu’il donnait des consultations aux boutiquiers embarrassés. Maintenant, il recevait chez lui ; il avait de l’argenterie et du linge à son chiffre.

Or M. Fellaire de Sisac et M. Haviland en étaient au café. Les feux rouges et bas du soleil couchant doraient la salle à manger du chalet. L’homme d’affaires, dont les joues mortes continuaient de pendre lourdement, faisait courir sur son hôte des yeux agiles.

— Goûtez-moi ce cognac, cher insulaire, dit-il.

Ce nom d’insulaire lui semblait élégant. Il dit ensuite « Albion » pour dire l’Angleterre ; mais il s’excusa d’être aussi romantique.

M. Haviland but le cognac, demanda un verre de vin et dit :

— J’espère que l’indisposition de mademoiselle Fellaire est sans gravité.