Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/298

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l’âme de M. Alidor Sainte-Lucie, c’était bien la pitié. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, et c’est ce qu’il pardonnait le moins à son innocent précepteur. Dans sa colère, il serrait les lèvres et jetait des regards sombres. Mais il éprouva bientôt une volupté spéciale à dissimuler. Il fit prendre à sa voix douce d’homme fort un accent presque câlin pour dire :

— Mon cher monsieur Godet, pardonnez-moi de vous avoir pris au saut du lit. (Et quel regard il jeta à ce qu’il nommait poliment un lit !) Ma première visite a été pour vous. Nous irons surprendre Remi, que j’avais averti de mon arrivée et qui s’en est fort peu inquiété. Je veux lui tirer les oreilles.

À ces mots, un frisson d’épouvante agita le précepteur, qui, si haut qu’il levât la tête, voyait au-dessus de lui le visage énigmatique du mulâtre.

Il essaya un sourire et répondit en balbutiant qu’il avait donné congé à Remi pour cette journée et que l’étudiant devait sans doute faire une partie de campagne.

Le malheureux n’avait gagné qu’un jour. Il le passa en recherches qui le harassèrent et ne lui firent rien découvrir.