Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/301

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La première parole de la maîtresse d’hôtel fut foudroyante.

— M. Remi n’a pas reparu, dit-elle ; il faut avertir la police.

M. Alidor se tourna vers le précepteur en croisant les deux bras. Sa face restait brune et mate, mais ses lèvres étaient blanches et ses yeux injectés. Les dents serrées, il demanda avec une voix de gorge :

— Où est-il ? Vous me répondez de lui !

Puis il étendit sa forte main et saisit le bras du précepteur, qui, puisque la terre ne s’entr’ouvrait pas sous lui, devant le bureau de l’hôtel, leva la tête et contempla la cage de l’escalier. Jusque dans son écroulement même, il restait sublime. M. Sainte-Lucie jeta un regard de côté, vit des chandeliers de cuivre rangés sur une tablette, des clefs étiquetées et une affiche de liquoriste, choses qui témoignaient d’une civilisation européenne. S’il avait vu autour de lui des mornes arides, les parois abruptes d’une ravine ou les palétuviers de son île, il aurait cédé vraisemblablement au désir voluptueux d’étrangler le précepteur. Il s’abstint par respect pour les