Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à cet égard, il envoya un sourire à M. Godet-Laterrasse et descendit à la cave pour y chercher des bouteilles de bière.

En son absence, M. Sainte-Lucie examina le portrait qui était suspendu, dans un cadre doré, au-dessus de la stalle du comptoir.

— N’est-ce pas, mouché, que c’est quelque chose de beau ? dit le noir, dont la tête seule passait au ras du sol. C’est mouché votre fils qui a peint mon portrait. Il est sorcier, mouché Remi.

Le père lança au précepteur le regard de deux prunelles chargées d’un venin noir. Ce fut tout.

Quand il apprit de l’ancien ministre que Remi était disparu, Télémaque réfléchit longtemps. Ses yeux mi-clos, comme ceux d’un matou qui s’endort, semblaient consulter ceux de Miragoane. Enfin, il secoua la tête et dit avec une gravité religieuse :

— Mouché, l’amour a emporté le jeune homme. Les jeunes gens sont agités par l’amour, comme le frère Vaudou quand il danse sur la cage du serpent. Une vieille femme qui fait bien la cuisine est quelque chose de bon. Mais une