Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/44

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écrits sur le coin d’une table de café, crotté de toutes les boues, ayant parfois relancé le client jusque devant le saladier de vin chaud des bals de faubourg, chien errant de la chicane interlope, il apparaissait tous les jeudis, brossé, lustré, ganté, rasé de frais, avec du linge blanc, dans le parloir des Dames du Calvaire. Alors il avait l’air heureux, la mine reposée. Ses grosses joues blanches étaient tout à fait convenables. La Mère Sainte-Geneviève, directrice de la maison d’Auteuil, lui témoignait beaucoup de considération. Deux des plus grandes pensionnaires rêvaient de lui au dortoir.

Hélène admirait beaucoup son papa.

Et vraiment M. Fellaire était héroïque à sa façon. Un jour qu’il était dénué de toute monnaie, il emprunta à un de ses confrères les poésies d’Alfred de Musset, qu’il vit sur la table. « Je veux les relire une centième fois », dit-il. Et il alla les vendre sur les quais pour acheter des gants qu’il boutonna négligemment le lendemain devant la sœur tourière. Les gâteaux qu’il apportait à chaque visite pour Hélène et ses amies venaient de quelque pâtissier marquant, et les bonbons étaient