Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/45

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dans des boîtes de haut goût, à emblèmes et à surprises. La Mère Sainte-Geneviève, l’ayant pris en grande estime, le consulta un jour sur quelque affaire litigieuse. Il offrit son temps, son activité, ses lumières. On daigna les prendre. Il rayonnait de joie et d’orgueil. Dans son désir de plaire, il mit à ses mémoires des faveurs bleues et il traitait avec onction les matières contentieuses. Quand il feuilletait des dossiers devant la Révérende Mère, il se mouillait le pouce du bout de la langue avec beaucoup de discrétion et une sorte de pudeur. Chaque consultation, il est vrai, le mettait au supplice ; mais c’était une torture délicieuse. Il subissait, pendant des heures entières, les explications de cette dame bornée, défiante, entêtée et douce, qui se dérobait ensuite à toute démonstration avec l’aisance d’une longue habitude. Cette belle femme blanche, un peu bouffie, qui, les yeux baissés et les mains dans les manches, ne parlait qu’à voix basse, l’intimidait extrêmement. Qu’il se sentait mieux à l’aise avec ses clients ordinaires, les cabaretiers suburbains et les fabricants brevetés de ceintures hygiéniques qui venaient jeter sur son bureau à cylindre avec