Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/47

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piqué blanc que de velours imprimé, moucheté, frappé, se bombaient sur sa poitrine avec une ampleur nouvelle.

Hélène grandissait, devenait belle. Ses cheveux, longtemps trop pâles et fades, comme ceux de sa mère, se doraient magnifiquement. Elle était douce, paresseuse, dégoûtée, avec de grands élans d’affection et des attendrissements rapides. On avait bien du mal, au réfectoire, à lui faire manger autre chose que de la salade et du pain avec du sel. Elle s’était fait une amie chez qui elle allait les jours de sortie, Cécile. Cette amie, fille d’un agent de change, était une petite personne de seize ans, à la fois puérile et vieillotte, coquette, pas très méchante ni malfaisante, nullement dépravée, faute d’imagination, et très riche. Elle avait l’esprit d’une femme de trente ans tout à fait nulle, ce qui lui donnait parmi ses compagnes le prestige d’une nature extraordinaire. Elle mena Hélène chez son père, à Passy, dans la chambre capitonnée où elle croquait des bonbons. Hélène s’alanguissait dans ce nid d’étoffes ; quelque chose de son âme s’y étiolait. Quand elle en sortait, tout lui semblait terne, dur, rebutant. Elle n’avait plus de courage.