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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/65

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laire se donna beaucoup de mal pour échauffer « son cher insulaire, son très honorable gendre ». Avec sa voix métallique, on eût dit qu’il battait le briquet sur un gros caillou. Mais M. Haviland n’étincelait pas. L’agent d’affaires se disait qu’après tout ce diable d’homme était naturellement terne, et il s’obstinait à l’électriser. Comme on ne lui demandait pas où en étaient ses affaires, il s’écria :

— À propos ! Je ne vous dissimulerai pas que j’ai traversé des temps difficiles. J’ai subi ce qu’on peut appeler une crise.

Il ne pouvait guère dissimuler ces sortes de difficultés à M. Haviland, qu’il avait poursuivi pendant quatre ans de ses demandes d’argent. Il lui avait demandé, pendant le siège, par ballon, par pigeon voyageur, par insertions dans le Daily Telegraph, un bon sur un banquier de Paris. M. Haviland avait satisfait à la première demande, puis il n’avait pas même répondu. M. Fellaire s’était présenté rue de la Victoire, chez M. Ch. Simpson, banquier, et avait usé du nom aimé et respecté de son gendre pour emprunter une somme d’argent, recourant ainsi à un artifice qui