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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/69

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heureuse. Il lui conseilla de bien aimer son mari. Puis, l’ayant embrassée avec effusion, il redescendit l’escalier d’une allure si lourde qu’il semblait vieilli de dix ans, rapetissé, l’œil morne, le menton pendant, la tête basse sous son éternel chapeau.

Hélène s’aperçut que son mari s’était brouillé avec son père. Bien qu’elle devinât les raisons de cette rupture, elle en sut mauvais gré à son mari. C’est à ce propos que commencèrent les allusions aigres, les querelles sans motif apparent, sans explication possible.

Comme elle était affectueuse par grands élans, elle jeta brusquement toutes ses tendresses perdues sur le neveu de son mari, Georges, adolescent blond et fin, très joli, boudeur et caressant. Georges Haviland, né à Avranches et élevé dans la religion catholique, au milieu de la petite colonie anglaise de cette ville, était orphelin. Son oncle, qui lui fut donné pour tuteur, le plaça comme externe au collège Stanislas. Hélène gâtait Georges avec les meilleures intentions du monde. Elle le peignait elle-même de vingt façons pour voir comment il serait le plus joli.