Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/70

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Elle lui faisait quitter ses devoirs le soir pour l’emmener au concert ou bien au spectacle.

Mais ses journées étaient vides ; elle s’ennuyait, elle pleurait. Elle aurait voulu vivre dans un grenier seule avec son père.

Elle s’échappait et courait en secret chez l’homme d’affaires, qui, pour le moment, était logé dans la rue de Rome, au quatrième étage d’une maison neuve dont il essuyait les plâtres. Ces courses en fiacre l’amusaient beaucoup. Elle baissait sa voilette et tremblait comme pour un rendez-vous. Le logement de son père avait l’aspect d’un logement de garçon ; les pipes traînaient parmi les papiers sur les tables ; le divan était bien fané, mais si accueillant et doux en dépit des ressorts cassés ; Hélène baisait son père sur ses grosses joues lourdes et furetait dans les coins. Quand elle découvrait quelque objet de femme, une ombrelle, une voilette, elle faisait mine de n’en rien voir, pinçait les lèvres et riait des yeux. Son père restait devant elle muet d’amour et d’admiration. Quand elle avait remué les papiers, mangé des gâteaux, bu et ri et bien tiré les favoris de son