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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/87

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La religieuse lui dit de ne point s’inquiéter, qu’il allait bien.

Hélène respira. Entrée en convalescence, elle eut ces fatigues de tête et ces obstructions de la mémoire qui suivent ordinairement la fièvre cérébrale. Il n’y avait qu’un sentiment bien net en elle : la peur de revoir son mari. Elle eut des palpitations de cœur quand on lui annonça que M. Haviland, convalescent lui-même, venait la voir dans sa chambre.

Il la regarda affectueusement, lui dit combien il l’aimait, et pour la première fois, elle vit un sourire sur ce visage grave. C’était un sourire intérieur, si profond, si vrai, qu’elle en fut remuée et attendrie. Elle se mit à pleurer et à faire au vieillard une caresse filiale.

Elle lui passait les bras autour du cou, mais il avait repris sa roideur habituelle.

Elle fit un grand effort et, à travers le brouillard de son intelligence, elle retrouva les deux potions versées par Groult. Alors elle prit les mains de son mari et lui dit d’un ton suppliant :

— Si vous m’aimez, si vous voulez nous éviter