Aller au contenu

Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

malade, elle devenait affectueuse pour l’homme qui était à son côté dans la calèche, les genoux sous la même fourrure qui la réchauffait. Elle regardait d’un œil frileux les arbres, les réverbères, les piétons que la voiture faisait filer derrière elle, et les maisons de l’avenue des Champs-Élysées avec leurs ateliers de carrosserie et les allées sablées où s’enfonçaient, sous la voûte, dans l’ombre, des chevaux tenus en bride par des palefreniers aux jambes arquées ; puis l’Arc de Triomphe, dressé sur son rond-point avec une emphase pesante ; puis, à gauche, l’avenue qui mène au Bois, bordée d’une double bande de parcs anglais ; elle voyait, à droite, les cavaliers dans l’allée sablée ; un soleil de printemps baignait l’étendue. Déjà les arroseurs traînaient leurs tuyaux à roulettes et poussaient des jets d’eau contre les jambes des chevaux qui hésitaient. Parfois le vent et l’ombre d’une victoria vivement lancée lui passaient sur le visage. C’était une fille à cheveux roux, blafarde et les lèvres peintes, qui, les coudes au côté, tenait les guides et brûlait l’avenue, tandis qu’un groom, assis derrière elle sur le siège, se croisait les bras. Puis la fraîcheur du Bois enveloppa la