Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/132

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Vos évêques sont vos ennemis, vos ennemis irrités. Le vieux Montalembert, catholique ardent, défenseur généreux du Saint-Siège, ne put voir sans douleur et sans effroi l’abdication de l’épiscopat national devant les usurpations de la papauté. Quelques mois avant sa mort, il écrivait à un catholique allemand : « Si vous pouviez vous figurer l’abîme d’idolâtrie où est tombé le clergé français ! » Depuis lors, l’Église de France s’est enfoncée plus profondément dans l’idolâtrie étrangère. Depuis lors, la papauté est devenue plus avide de domination. Elle vous craint moins encore qu’elle ne craignait Napoléon III, qu’elle a poussé à sa ruine et à notre désastre[1], et elle vous hait davantage. Elle a été sans pitié pour l’empereur, parce que l’empereur, lui donnant beaucoup, ne lui donnait pas tout. Interrogez ce présage et songez qu’une plus implacable menace est sur vous. Car enfin les gouvernements catholiques, quand ils se repentaient et s’il en était temps encore, elle les recevait à merci. Mais vous, vous n’avez pas de pardon à attendre d’elle, vous êtes à ses yeux comme si vous n’étiez pas, puisque vous n’êtes plus catholiques. Elle vous a irrévocablement jugés et condamnés. Elle hâte le moment d’exécuter la sentence. Vous êtes ses vain-

  1. « C’est le maintien du pouvoir temporel des papes qui nous a coûté l’Alsace et la Lorraine… Si le pouvoir temporel avait été abandonné, les alliances étaient toutes prêtes ; nous en aurions eu une immédiate, incontestable. » Discours du prince Napoléon à la Chambre, en 1876. Histoire des Français, par Théophile Lavallée, t. 7, par Maurice Dreyfous, p. 19.