Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/133

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cus et ses prisonniers. Elle augmente tous les jours son armée d’occupation ; elle étend tous les jours ses conquêtes. Elle vous a pris déjà le gros de votre bourgeoisie ; elle enlève des villes entières, assiège les usines ; elle a des intelligences, vous le savez bien, dans vos administrations, dans vos ministères, dans vos tribunaux, dans le commandement de votre armée. Ne lui demandez pas la paix, elle ne veut pas, elle ne peut pas vous l’accorder. Si vous suivez à son égard les règles de vos prédécesseurs, la politique de la Restauration, de la monarchie de Juillet et du second Empire, vous serez amenés à lui donner assez pour la fortifier encore et trop peu pour vous la rendre pacifique ; et vous vous serez fait seulement une ennemie plus redoutable. Gardez-vous de lui rien céder : elle ne vous cédera rien. Elle médite cette fois, non plus de faire concourir le pouvoir laïque à ses desseins et à sa gloire, mais de l’anéantir pour son infidélité. Elle prend votre place, elle se substitue à vous. Le gouvernement temporel des papes, qui était la honte de l’humanité, votre Église travaille ouvertement à l’établir chez vous ; elle veut faire de la France une province des États pontificaux universels. Elle a déjà dressé sur la butte Montmartre le Saint-Pierre de la Rome nouvelle.

Mais ces forces qu’elle tourne contre vous, de qui les tient-elle ? De vous ! C’est vous qui, par le Concordat, maintenez son organisation, son unité. C’est vous qui la constituez en puissance temporelle.