Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/73

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La pensée de l’ancien président du Conseil prenait, à cette heure tardive, l’élégance d’une spéculation pure et se revêtait d’une grâce nonchalante. Mais, dans son désintéressement et son détachement même, elle combla d’un espoir inattendu tous ceux qui voulaient accorder aux congrégations la liberté avec le privilège. Et telle était l’autorité, tels étaient le savoir juridique et le talent oratoire de M. Waldeck-Rousseau que le Sénat, la Chambre, le public, s’émurent. On voyait avec surprise que tout le monde, amis et adversaires, s’était trompé sur les intentions de cet homme d’État, et que la loi, sur laquelle la France entière se querellait depuis six mois, n’était pas du tout ce qu’on croyait. Contrairement à toutes les apparences, M. Waldeck-Rousseau estimait (on le sait maintenant) qu’après avoir chassé les plus actives et les plus violentes associations, ces religieux qu’il nommait les moines ligueurs et les moines d’affaires, ces Assomptionnistes ignares et furieux que le Pape lui-même n’osait pas avouer, la République pouvait vivre heureusement avec le vaste reste des moines contemplatifs, hospitaliers, enseignants ; idée étrange dans un esprit si judicieux, car sa loi, appliquée dans cet esprit et dans cette forme, devenue, comme il le disait lui-même, une loi de contrôle, laissait espérer, à toutes les congrégations qu’elle ne dissolvait pas, une sorte d’autorisation et de reconnaissance qu’aucun gouvernement, pas même celui de la Restauration, n’eût osé leur accorder si largement. Et vraiment, il ne manquait