Page:Anatole France - L’Étui de nacre.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
l’étui de nacre

Je vous prie donc très humblement, mon révérend, de l’examiner à loisir, afin de discerner son véritable naturel. Si vous découvrez en lui quelque mérite, gardez-le. Je paierai volontiers ce qu’il faudra. Si au contraire vous estimez ne pouvoir rien faire de lui, mandez-le-moi, je viendrai le reprendre aussitôt, et je lui apprendrai à fabriquer des couteaux, comme son père. Car je suis coutelier, pour vous servir, mon révérend.

Le Père Féval promit qu’il ferait ce qu’on demandait. Et sur cette assurance, mon père prit congé du régent et de moi. Comme il était très ému, et qu’il avait peine à retenir ses sanglots, il prit un visage rude et contracté et me donna, en guise d’embrassement, une terrible bourrade. Quand il fut parti, le Père Féval m’entraîna hors du parloir, dans un jardin que bordait une épaisse charmille ; puis, en passant sous l’ombre des arbres, il me dit :

O Sylvaï dulces umbras frondsaï !

Je fus assez heureux pour reconnaître dans ces formes archaïques et dans cette lourde prosodie un vers du vieil Ennius et je répondis