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mémoires d’un volontaire

— Mon cher monsieur, voici un bouquet de roses que je vous donne.

Je rougis et ne sus que répondre. Mais M. Mille, qui avait le ton de la ville, me dit :

— Il faut payer ces roses d’une pièce de six sous et dire une parole d’honnêteté à la jolie demoiselle.

Je fis l’un et l’autre, puis je demandai à M. Mille s’il pensait que cette bouquetière fût une personne de bien. Il me répondit qu’il s’en fallait de tout, mais qu’on devait être poli avec toutes les femmes. Je m’attachais tous les jours davantage à l’excellent duc de Puybonne. C’était le meilleur et le plus simple des hommes. Il croyait n’avoir rien donné aux malheureux, quand il ne s’était pas donné lui-même. Il vivait comme un homme du commun, tenant le luxe des riches pour un vol fait aux pauvres. Sa bienfaisance était ingénieuse. Je l’entendis nous dire un jour :

— Il n’est pas de plaisir plus doux que de travailler au bonheur des inconnus, soit en plantant quelque arbre utile, soit en greffant sur de jeunes bourgeons, dans les bois, des