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l’étui de nacre

branches dont les fruits puissent apaiser un jour la soif du voyageur égaré.

Le bon seigneur ne s’occupait pas que de philanthropie. Il travaillait ardemment à la nouvelle constitution du royaume. Député de la noblesse à l’Assemblée nationale, il siégeait dans les rangs de ces amateurs de la liberté anglaise qu’on nommait monarchiques, aux côtés de Malouet et de Stanislas de Clermont-Tonnerre. Et, bien que, dès lors, ce parti semblât condamné, il voyait s’acheminer, avec toute la ferveur de l’espérance, la plus humaine des révolutions. Nous partagions sa joie.

Malgré bien des causes d’inquiétude, cet enthousiasme nous soutint encore l’année suivante. J’accompagnai M. Mille au Champ-de-Mars dans les premiers jours de juillet. Là deux cent mille personnes de toutes conditions, hommes, femmes, enfants, élevaient de leurs mains l’autel où ils devaient jurer de vivre ou de mourir libres. Des perruquiers en veste bleue, des porteurs d’eau, des abbés, des charbonniers, des capucins, des filles de l’Opéra en robes à fleurs, coiffées de rubans