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l’étui de nacre

Je lui pris les mains, les baisai et les mouillai de larmes ; ce fut ma seule réponse.

Tandis qu’il s’échappait de Paris à la faveur de son déguisement et d’un faux passeport dont il s’était muni, je brûlai dans les cheminées de l’hôtel des papiers qui eussent pu compromettre des familles entières et coûter la vie à des centaines de personnes. Dans les jours qui suivirent, je fus assez heureux pour vendre, à très bas prix, il est vrai, les voitures, les chevaux et la vaisselle de M. de Puybonne, et je sauvai de la sorte de soixante-dix à quatre-vingt mille livres qui passèrent le détroit. Ce ne fut pas sans courir les plus grands dangers que je conduisis ces négociations délicates. Il y allait de ma vie. La terreur régnait sur la capitale au lendemain du 10 Août. Dans les rues, la veille encore animées par la bigarrure des costumes, où retentissaient les cris des marchands et les pas des chevaux, s’étendaient maintenant la solitude et le silence. Toutes les boutiques étaient fermées ; les citoyens, cachés dans leurs logis, tremblaient pour leurs amis, et pour eux-mêmes.

Les barrières étaient gardées, et nul ne pou-