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l’étui de nacre

— Barbier, pour vous servir, citoyen.

— Tous les barbiers sont des feuillants.

La peur faisait faire communément à M. Larisse les actions les plus courageuses. Il m’a confessé depuis qu’à ce moment il avait eu toutes les peines du monde à se défendre de crier : « Vive le roi ! » Dans le fait il ne cria point, mais il répondit fièrement qu’il ne devait pas tant de grâces à la Révolution qui avait supprimé les perruques et la poudre, et qu’il était las de trembler sans cesse.

— Prenez ma tête, ajouta-t-il, j’aime mieux mourir une fois que de craindre toujours.

Ce discours rendit Bistac perplexe.

Cependant le rémouleur, qui roulait dans sa cervelle des pensées confuses mais bienveillantes, nous invita à nous retirer.

— Allez, citoyens, nous dit-il, mais rappelez-vous que la République a besoin de ça.

Et il montrait son front.

Le frère de madame Berthemet fut relâché le lendemain. La mère d’Amélie m’en témoigna beaucoup de reconnaissance et m’embrassa, car elle était embrassante. Elle fit mieux :

— Vous avez, me dit-elle, acquis des droits