Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/18

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» Le maître de la maison, homme jeune et robuste, offrit à Gratien du pain et du lait.

» Le philosophe marsouin ayant pris ce repas agreste :

» — Aimables habitants d’un pays aimable, je vous rends grâces, dit-il. Tout respire ici la joie, la concorde et la paix.

» Comme il parlait ainsi, un berger passa en jouant une marche sur sa musette.

» — Quel est cet air si vif ? demanda Gratien.

» — C’est l’hymne de la guerre contre les Marsouins, répondit le paysan. Tout le monde le chante ici. Les petits enfants le savent avant que de parler. Nous sommes tous de bons Pingouins.

» — Vous n’aimez pas les Marsouins ?

» — Nous les haïssons.

» — Pour quelle raison les haïssez-vous ?

» — Vous le demandez ? Les Marsouins ne sont-ils pas les voisins des Pingouins ?

» — Sans doute.

» — Eh bien, c’est pour cela que les Pingouins haïssent les Marsouins.

» — Est-ce une raison ?

» — Certainement. Qui dit voisins dit ennemis. Voyez le champ qui touche au mien. C’est celui de l’homme que je hais le plus au monde. Après lui mes pires ennemis sont les gens du village qui