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république, comme Agrippine, portait dans ses flancs son meurtrier.

Ayant de grandes guerres à soutenir, elle créa les forces militaires qui devaient la sauver et la détruire. Ses législateurs pensaient contenir les généraux par la terreur des supplices ; mais s’ils tranchèrent quelquefois la tête aux soldats malheureux, ils n’en pouvaient faire autant aux soldats heureux qui se donnaient sur elle l’avantage de la sauver.

Dans l’enthousiasme de la victoire, les Pingouins régénérés se livrèrent à un dragon plus terrible que celui de leurs fables qui, comme une cigogne au milieu des grenouilles, durant quatorze années, d’un bec insatiable les dévora.

Un demi-siècle après le règne du nouveau dragon, un jeune maharajah de Malaisie, nommé Djambi, désireux de s’instruire en voyageant, comme le scythe Anacharsis, visita la Pingouinie et fit de son séjour une intéressante relation, dont voici la première page :

VOYAGE DU JEUNE DJAMBI EN PINGOUINIE

Après quatre-vingt-dix jours de navigation j’abordai dans le port vaste et désert des Pingouins philomaques et me rendis à travers des campagnes incultes jusqu’à la capitale en ruines.