Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/194

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Ceinte de remparts, pleine de casernes et d’arsenaux, elle avait l’air martial et désolé. Dans les rues des hommes rachitiques et bistournés traînaient avec fierté de vieux uniformes et des ferrailles rouillées.

— Qu’est-ce que vous voulez ? me demanda rudement, sous la porte de la ville, un militaire dont les moustaches menaçaient le ciel.

— Monsieur, répondis-je, je viens, en curieux, visiter cette île.

— Ce n’est pas une île, répliqua le soldat.

— Quoi ! m’écriai-je, l’île des Pingouins n’est point une île ?

— Non, monsieur, c’est une insule. On l’appelait autrefois île, mais depuis un siècle, elle porta par décret le nom d’insule. C’est la seule insule de tout l’univers. Vous avez un passeport ?

— Le voici.

— Allez le faire viser au ministère des relations extérieures.

Un guide boiteux, qui me conduisait, s’arrêta sur une vaste place.

— L’insule, dit-il, a donné le jour, vous ne l’ignorez pas, au plus grand génie de l’univers, Trinco, dont vous voyez la statue devant vous ; cet obélisque, dressé à votre droite, commémore la naissance de Trinco ; la colonne qui s’élève à votre gauche porte à son faîte Trinco, ceint du diadème. Vous découvrez d’ici l’arc de