Aller au contenu

Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

laire, lui disait-il. On vend ta gueule en têtes de pipe et en bouteilles de liqueur, et tous les ivrognes d’Alca rotent ton nom dans les ruisseaux… Chatillon, héros des Pingouins ! Chatillon défenseur de la gloire et de la puissance pingouines !… Qui l’eût dit ? Qui l’eût cru ?

Et il riait d’un rire strident. Puis changeant de ton :

— Blague à part, est-ce que tu n’es pas un peu surpris de ce qui t’arrive ?

— Mais non, répondait Chatillon.

Et le loyal Volcanmoule sortait en faisant claquer les portes.

Cependant, Chatillon avait loué, pour recevoir la vicomtesse Olive, un petit rez-de-chaussée au fond de la cour, au numéro 18 de la rue Johannès-Talpa. Ils se voyaient tous les jours. Il l’aimait éperdument. En sa vie martiale et neptunienne, il avait possédé des multitudes de femmes, rouges, noires, jaunes ou blanches, et quelques-unes fort belles ; mais avant d’avoir connu celle-là, il ne savait pas ce que c’est qu’une femme. Quand la vicomtesse Olive l’appelait son ami, son doux ami, il se sentait au ciel, et il lui semblait que les étoiles se prenaient dans ses cheveux.

Elle entrait, un peu en retard, posait son petit sac sur le guéridon et disait avec recueillement :

— Laissez-moi me mettre là, à vos genoux.

Et elle lui tenait des propos inspirés par le pieux