Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/258

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lèges et fruits, et leur créaient des incapacités multiples et dirimantes.

Le révérend père Agaric supporta avec constance la rigueur des lois par lesquelles il était personnellement visé, atteint, frappé, et la chute épouvantable de l’émiral, dont il était la cause première. Loin de se soumettre à la mauvaise fortune, il la regardait comme une étrangère de passage. Il formait de nouveaux desseins politiques, plus audacieux que les premiers.

Quand il eut suffisamment mûri ses projets, il s’en alla un matin par le bois des Conils. Un merle sifflait dans un arbre, un petit hérisson traversait d’un pas maussade le sentier pierreux. Agaric marchait à grandes enjambées en prononçant des paroles entrecoupées.

Parvenu au seuil du laboratoire où le pieux industriel avait, au cours de tant de belles années, distillé la liqueur dorée de Sainte-Orberose, il trouva la place déserte et la porte fermée. Ayant longé les bâtiments, il rencontra sur le derrière le vénérable Cornemuse, qui, sa robe troussée, grimpait à une échelle appuyée au mur.

— C’est vous, cher ami ? lui dit-il. Que faites-vous là ?

— Vous le voyez, répondit d’une voix faible le religieux des Conils, en tournant sur Agaric un regard douloureux. Je rentre chez moi.

Ses prunelles rouges n’imitaient plus l’éclat