Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/259

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triomphal du rubis ; elles jetaient des lueurs sombres et troubles. Son visage avait perdu sa plénitude heureuse. Le poli de son crâne ne charmait plus les regards ; une sueur laborieuse et des plaques enflammées en altéraient l’inestimable perfection.

— Je ne comprends pas, dit Agaric.

— C’est pourtant facile à comprendre. Et vous voyez ici les conséquences de votre complot. Visé par une multitude de lois, j’en ai éludé le plus grand nombre. Quelques-unes, pourtant, m’ont frappé. Ces hommes vindicatifs ont fermé mes laboratoires et mes magasins, confisqué mes bouteilles, mes alambics et mes cornues ; ils ont mis les scellés sur ma porte. Il me faut maintenant rentrer par la fenêtre. C’est à peine si je puis extraire en secret, de temps en temps, le suc des plantes, avec des appareils dont ne voudrait pas le plus humble des bouilleurs de cru.

— Vous souffrez la persécution, dit Agaric. Elle nous frappe tous.

Le religieux des Conils passa la main sur son front désolé :

— Je vous l’avais bien dit, frère Agaric ; je vous l’avais bien dit que votre entreprise retomberait sur nous.

— Notre défaite n’est que momentanée, répliqua vivement Agaric. Elle tient à des causes uniquement accidentelles ; elle résulte de pures contingences. Chatillon était un imbécile ; il s’est noyé