Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/29

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pourquoi, à la vue de cette auge de pierre, le saint homme Maël comprit que le Seigneur le destinait à l’apostolat des païens qui peuplaient encore le rivage et les îles des Bretons.

Il remit son bâton de frêne au saint homme Budoc, l’investissant ainsi du gouvernement de l’abbaye. Puis, muni d’un pain, d’un baril d’eau douce et du livre des Saints Évangiles, il entra dans l’auge de pierre, qui le porta doucement à l’île d’Hœdic.

Elle est perpétuellement battue des vents. Des hommes pauvres y pêchent le poisson entre les fentes des rochers et cultivent péniblement des légumes dans des jardins pleins de sable et de cailloux, abrités par des murs de pierres sèches et des haies de tamaris. Un beau figuier s’élevait dans un creux de l’île et poussait au loin ses branches. Les habitants de l’île l’adoraient.

Et le saint homme Maël leur dit :

— Vous adorez cet arbre parce qu’il est beau. C’est donc que vous êtes sensibles à la beauté. Or, je viens vous révéler la beauté cachée.

Et il leur enseigna l’Évangile. Et, après les avoir instruits, il les baptisa par le sel et par l’eau.

Les îles du Morbihan étaient plus nombreuses en ce temps-là qu’aujourd’hui. Car, depuis lors, beaucoup se sont abîmées dans la mer. Saint Maël en évangélisa soixante. Puis, dans son auge