Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/371

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la guerre ; il passait pour un des plus intelligents généraux de l’armée ; mais il se laissait conduire par une femme galante, madame la baronne de Bildermann, qui, belle encore dans l’âge des intrigues, s’était mise aux gages d’une puissance voisine et ennemie.

Le nouveau ministre de la marine, le respectable amiral Vivier des Murènes, reconnu généralement pour un excellent marin, montrait une piété qui eût paru excessive dans un ministère anticlérical, si la république laïque n’avait reconnu la religion comme d’utilité maritime. Sur les instructions du révérend père Douillard, son directeur spirituel, le respectable amiral Vivier des Murènes voua les équipages de la flotte à sainte Orberose et fit composer par des bardes chrétiens des cantiques en l’honneur de la vierge d’Alca qui remplacèrent l’hymne national dans les musiques de la marine de guerre.

Le ministère Visire se déclara nettement anticlérical, mais respectueux des croyances ; il s’affirma sagement réformateur. Paul Visire et ses collaborateurs voulaient des réformes, et c’était pour ne pas compromettre les réformes qu’ils n’en proposaient pas ; car ils étaient vraiment des hommes politiques et savaient que les réformes sont compromises dès qu’on les propose. Ce gouvernement fut bien accueilli, rassura les honnêtes gens et fit monter la rente.