Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/428

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jouaient ; ils jouaient aux arts, aux vertus, aux vices, à l’héroïsme, aux croyances, aux voluptés ; ils avaient des illusions qui les divertissaient. Ils faisaient du bruit ; ils s’amusaient. Mais maintenant…

Il s’interrompit et regarda de nouveau à sa montre.

L’enfant qui courait buta du pied contre le seau de la fillette et tomba de son long sur le gravier. Il demeura un moment étendu immobile, puis se souleva sur ses paumes ; son front se gonfla, sa bouche s’élargit, et soudain il éclata en sanglots. Sa mère accourut, mais Caroline l’avait soulevé de terre, et elle lui essuyait les yeux et la bouche avec son mouchoir. L’enfant sanglotait encore ; Clair le prit dans ses bras :

— Allons ! ne pleure pas, mon petit ! Je vais te conter une histoire.

» Un pêcheur, ayant jeté ses filets dans la mer, en tira un petit pot de cuivre fermé ; il l’ouvrit avec son couteau. Il en sortit une fumée qui s’éleva jusqu’aux nues et cette fumée, en s’épaississant, forma un géant qui éternua si fort, si fort que le monde entier fut réduit en poussière… »

Clair s’arrêta, poussa un rire sec et brusquement remit l’enfant à sa mère. Puis il tira de nouveau sa montre et, agenouillé sur le banc, les coudes au dossier, regarda la ville.

À perte de vue, la multitude des maisons se dressaient dans leur énormité minuscule.