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Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/85

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ils sont déchus de cette majesté paisible qui, répandue sur l’assemblée des pingouins, la rendait semblable au sénat d’une sage république !

» Regarde, mon fils Bulloch, du côté de la Surelle. Il se trouve précisément dans la fraîche vallée une douzaine d’hommes pingouins, occupés à s’assommer les uns les autres avec des bêches et des pioches dont il vaudrait mieux qu’ils travaillassent la terre. Cependant, plus cruelles que les hommes, les femmes déchirent de leurs ongles le visage de leurs ennemis. Hélas ! mon fils Bulloch, pourquoi se massacrent-ils ainsi ?

— Par esprit d’association, mon père, et prévision de l’avenir, répondit Bulloch. Car l’homme est par essence prévoyant et sociable. Tel est son caractère. Il ne peut se concevoir sans une certaine appropriation des choses. Ces pingouins que vous voyez, ô maître, s’approprient des terres.

— Ne pourraient-ils se les approprier avec moins de violence ? demanda le vieillard. Tout en combattant, ils échangent des invectives et des menaces. Je ne distingue pas leurs paroles. Elles sont irritées, à en juger par le ton.

— Ils s’accusent réciproquement de vol et d’usurpation, répondit Bulloch. Tel est le sens général de leurs discours.

À ce moment, le saint homme Maël, joignant les mains, poussa un grand soupir :