Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/140

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défaut d’une vive intelligence, lui révélait la vanité de l’effort et la nécessité qui contraint les meilleurs à faire du mal en même temps que du bien. Il y avait en cet homme fort une douceur singulière. Et puisqu’il lui arrivait, ainsi qu’à chacun de nous, dès que nous entrons dans l’action, d’assommer, sans y prendre garde, les innocents avec les coupables, les faibles avec les violents, il en éprouvait sans doute quelque regret. Peut-être même plaignait-il les malheureux monstres qu’il avait détruits pour le bien des hommes, le pauvre taureau crétois, la pauvre hydre de Lerne, ce beau lion qui lui avait laissé, en mourant, un manteau bien chaud. Plus d’une fois, après son travail, au déclin du jour, sa massue dut lui peser.

M. Bergeret souleva son parapluie avec effort, comme une arme pesante. Et il poursuivit son discours :

— Il était robuste, il était faible. Nous l’aimons, parce qu’il nous ressemble.