Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/19

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vanité, qui était forte, troubla son jugement, qui était faible. Elle pensa être embrassée par amour et elle en éprouva des mouvements confus qui soulevèrent sa poitrine avec un grand tumulte et la firent fléchir sur les jarrets, en sorte qu’elle glissa haletante dans les bras de M. Lacarelle. M. Lacarelle en conçut de la surprise et de l’embarras. Mais il se sentit flatté dans son amour-propre. Il assit du mieux qu’il put madame Bergeret sur le divan et, penché sur elle, il lui dit d’une voix où perçait la sympathie :

— Pauvre dame !… Si charmante et si malheureuse !… Vous nous quittez donc !… Vous partez demain ?…

Et il lui mit sur le front un baiser innocent. Madame Bergeret, dont les nerfs étaient tout ébranlés, éclata soudain en larmes, en sanglots. Puis, lentement, gravement, douloureusement elle rendit à M. Lacarelle son baiser. À ce moment