Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/6

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Madame Bergeret tira de ce labeur quelque avantage moral. Le travail est bon à l’homme. Il le distrait de sa propre vie, il le détourne de la vue effrayante de lui-même ; il l’empêche de regarder cet autre qui est en lui et qui lui rend la solitude horrible. Il est un souverain remède à l’éthique et à l’esthétique. Le travail a ceci d’excellent encore qu’il amuse notre vanité, trompe notre impuissance et nous communique l’espoir d’un bon événement. Nous nous flattons d’entreprendre par lui sur les destins. Ne concevant pas les rapports nécessaires qui rattachent notre propre effort à la mécanique universelle, il nous semble que cet effort est dirigé en notre faveur contre le reste de la machine. Le travail nous donne l’illusion de la volonté, de la force et de l’indépendance. Il nous divinise à nos propres yeux. Il fait de nous, au regard de nous-mêmes, des héros, des Génies, des Démons, des Démiurges, des