Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/44

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près de cet ecclésiastique de souche paysanne, aussi Français par le caractère sacerdotal et par le type que les pierres noircies de Saint-Exupère et que les vieux arbres du Mail, il se francisait lui-même, se naturalisait, dépouillait les restes pesants de son Allemagne et de son Asie. L’intimité d’un prêtre flattait le fonctionnaire israélite. Il y goûtait, sans bien s’en rendre compte, l’orgueil de la revanche. Asservir, protéger une de ces têtes à tonsure commises depuis dix-huit siècles, par le ciel et la terre, à l’excommunication et à l’extermination des circoncis, c’était pour le juif un succès piquant et flatteur. Et puis cette soutane usée, crasseuse et respectée qui s’inclinait devant lui, allait dans les châteaux où le préfet n’était pas reçu. Les femmes de l’aristocratie départementale vénéraient cet habit maintenant humilié devant la redingote du fonctionnaire. L’hommage d’un membre du clergé, c’était presque l’hommage de cette noblesse rurale qui