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LES LÉGIONS DE VARUS





Auguste regardait pensif couler le Tibre ;
Il songeait aux Germains : ce peuple pur et libre
L’étonnait ; ces gens-là lui causaient quelque effroi :
Ils avaient de grands cœurs et n’avaient pas de roi.
César trouvait mauvais qu’ils pussent se permettre
D’être fiers, et de vivre insolemment sans maître.
Puis le bon César prit pitié de leur erreur
Au point de leur vouloir donner un empereur.
Il crut d’un bon effet qu’aussi l’aigle romaine
Se promenât un peu par la forêt germaine :
Il n’est tel que son vol pour éblouir les sots ;
Puis, l’or des chefs germains lui viendrait par boisseaux ;
On s’ennuyait ; la guerre était utile en somme :
On n’avait pas d’un an illuminé dans Rome.

Auguste se souvint d’un homme de talent ;
Varus s’était montré proconsul excellent :
Maigre il était entré dans une place grasse,
Et s’en était allé gras d’une maigre place.
Donc Varus, que César aimait pour ses travaux,
Ayant trois légions, trois ailes de chevaux,
Et, pour arrière-garde, ayant quatre cohortes,
De l’Empire romain les troupes les plus fortes,