Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/216

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d’un bel enfant ou d’une femme aux hanches évasées. Il nous arrivait parfois de les railler dans nos chansons ou d’éprouver leur intelligence par quelque vive plaisanterie. Certains d’entre nous, d’humeur un peu turbulente, aimaient à lutiner leurs femmes et leurs enfants, mais nous étions toujours prêts à venir en aide à ces frères inférieurs.

» Par nos soins, leur intelligence s’étendit assez pour atteindre l’erreur et concevoir de faux rapports entre les choses. Comme ils supposaient que des liens magiques unissaient l’image à la réalité, ils couvraient de figures d’animaux les parois de leurs antres et gravaient dans l’ivoire des simulacres de rennes et de mammouths afin de s’assurer la proie qu’ils représentaient. Les siècles passèrent avec une infinie lenteur sur les commencements de leur génie. Nous leur envoyâmes en songe des pensées heureuses, leur inspirant de dompter les chevaux, de châtrer les taureaux, d’instruire les chiens à garder les brebis. Ils créèrent la famille, la tribu. Un jour, une de leurs tribus errantes fut assaillie par des chasseurs féroces. Aussitôt les jeunes hommes de la