Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/239

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forêts ; ou, s’ils se montraient encore aux hommes, prenaient, pour les tenir en respect, une figure terrible, une peau rouge, verte ou noire, des yeux torves, une bouche énorme, garnie de dents de sanglier, de cornes, une queue au derrière et parfois un visage humain sur le ventre. Les nymphes restaient belles ; et les barbares, ne sachant aucun des noms si doux qu’elles portaient autrefois, les appelaient des fées, leur prêtaient un caractère capricieux et des goûts puérils, les craignaient, les aimaient.

» Nous étions bien déchus, bien diminués ; pourtant nous ne perdîmes pas courage, et, gardant une humeur riante et un esprit bienveillant, nous fûmes, en ces temps cruels, les vrais amis des hommes. Nous apercevant que les barbares devenaient peu à peu moins ombrageux et moins féroces, nous nous ingéniâmes à converser avec eux sous toutes sortes de déguisements. Nous les incitions avec mille précautions et par de prudents détours à ne pas reconnaître le vieux Iahveh comme un maître infaillible, à ne point obéir aveuglément à ses ordres, à ne point craindre ses