Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/243

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faut tuer le temps, et c’est même là, si l’on y songe, l’unique emploi de la vie. Notre jeu était un jeu de mots qui plaisait à nos esprits, à la fois subtils et grossiers, enflammait les écoles et troublait la chrétienté tout entière. Nous formions deux camps. L’un des camps soutenait qu’avant qu’il y eût des pommes, il y avait la Pomme ; qu’avant qu’il y eût des papegais, il y avait le Papegai, qu’avant qu’il y eût des moines paillards et gourmands, il y avait le Moine, la Paillardise et la Gourmandise, qu’avant qu’il y eût des pieds et des culs en ce monde, le Coup de pied au cul résidait de toute éternité dans le sein de Dieu. L’autre camp répondait que, au contraire, les pommes donnèrent à l’homme l’idée de pomme, les papegais l’idée de papegai ; les moines l’idée de moine, de gourmandise et de paillardise, et que le coup de pied au cul n’exista qu’après avoir été dûment donné et reçu. Les joueurs s’échauffaient et en venaient aux mains. J’étais du second parti, qui contentait mieux ma raison et qui fut, en effet, condamné par le Concile de Soissons.

» Cependant, non contents de se battre entre