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Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/256

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nable. On vit, près de Paris, dans une vallée ombreuse, des solitaires qu’on nommait les Messieurs ; ils se disaient disciples de saint Augustin et soutenaient avec une constance honorable que le Dieu de l’Écriture frappe celui qui le craint, épargne celui qui le brave, ne tient nul compte des œuvres et damne, s’il lui plaît, ses plus fidèles serviteurs ; car sa justice n’est point notre justice et ses voies sont incompréhensibles. Un soir, je rencontrai l’un de ces messieurs dans son jardin, où il méditait, entre des carrés de choux et de plants de salades. J’inclinai devant lui mon front cornu et lui murmurai ces paroles amies :

» — Que le vieux Jéhova vous garde, monsieur ! Vous le connaissez bien. Oh ! que vous le connaissez bien, et comme vous avez compris son caractère ! »

» Le saint homme discerna en moi un ange de l’abîme, se crut réprouvé et mourut subitement d’épouvante.

» Le siècle suivant fut le siècle de la philosophie. L’esprit d’examen se développa, le respect se perdit ; les grandeurs de chair s’affaiblirent et l’esprit acquit des forces nou-